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Nao-Asakura's world
6 novembre 2007

Kaamelott - livre V - Astier is God

2007_10_07_095031

Commençons par la fin, commençons par les sentiments ; cette espèce de bourdonnement continu dans les oreilles quand le générique s'affiche -- 23 heures. Une fin terrible, bouleversante, et pourtant tellement logique, au vu des premiers livres -- Lancelot qui envisage de tuer Arthur et fait irruption dans la salle de bain, la dépression latente du roi.

Juste avant il y avait le passage du théâtre, celui où j'ai eu envie de pleurer et de rire tout à la fois. C'est ça, je crois, le sentiment du sacré : un respect mêlé de crainte. Probablement un hommage d'Astier au "monde" dont il est issu, du théâtre lyonnais ; un théâtre ici devenu scène dans la scène, mise en abyme de l'histoire. Des connections internes, l'histoire du garçon qui criait au loup, et un loup joué par Arthur qui fait face à un autre, plus redoutable encore, Méléagan, l'homme-voix, celui que l'on ne peut cerner et qui lui cerne tout le monde.

Arthur qui remonte le temps, se repense enfant -- évocation de sa jeunesse à Rome, passerelle pour le livre VI -- revoit son père adoptif (Guy Bedos). Astier se la joue savant, nullement pédant, mais vraiment dans son monde. Plus aucune importance que personne ne sache qui sont les dieux évoqués -- Ogma, dieu de l'éloquence -- ou pourquoi leur symbolique s'inscrit magnifiquement dans l'évolution d'Arthur.

Plus aucune importance car on est au-delà de ça ; on a dépassé le "premier niveau" qui existait dans les premiers livres. La rencontre avec le pêcheur (Patrick Bouchitey) en est le meilleur exemple. Ce n'est plus drôle, c'est seulement tragique. Ce pêcheur qui attend son fils parti en mer depuis quatorze ans, et qui ne supporte pas la mer, qui rêve qu'il la vide. Sorte de parabole pour Arthur, récit fabuleux qui s'inscrit dans le récit d'une légende. Une photographie juste parfaite, avec des couleurs qui elles-mêmes ont un sens, au-delà de la perfection visuelle. Ce phare, vert. Le feu, qui s'éteint. Arthur nimbé de rouge -- plongé dans le noir complet.

Et la phrase de Méléagan, qui me hantera probablement pendant des années, "c'est vous qui avez demandé un guide!" Un guide physique, certes, que l'on peut payer avec de l'or et à qui l'on peut demander de ralentir ; un guide métaphysique, implacable personnage faisant surgir au grand jour les ténèbres dans lesquelles s'est enfoncé Arthur.

Encore avant, et pendant tout le film quasiment, il y a la recherche des enfants. Au départ pour des raisons de succession, pour fuir un peu le château aussi, sans doute, et puis en fin de compte ça se transforme en une quête, la quête d'une descendance -- la crainte de ne pas en avoir ; une quête de ses propres origines peut être également. Arthur est de plus en plus seul, à mesure que cette quête avance, seul avec lui-même, seul avec son guide.

Cette fin oppressante, c'est la suite logique de la tonalité de ces deux "quarts" de livre V. Sombre? Je ne dirais pas que c'est sombre, je dirais qu'Astier s'est lâché. Il a rompu les amarres, il a cessé de faire quelque chose qui ait une étiquette. Tout ce qui n'était qu'évoqué, tout ce qui n'existait qu'à l'état de menace, d'allusion devient réel et attaque. Loth cède la place à Anna, la redoutable demi-soeur d'Arthur, et pour une fois les moments d'action sont bien intégrés dans le film, bien filmés.

Certes le comique est toujours présent, car comme dans la vraie vie, rien n'est jamais désespéré, mais ce n'est plus du comique au sens où il y aurait des blagues attendues, des réparties débiles qui font rire. Le comique lui aussi est poussé à bout ; Astier est allé toucher le fond dans les deux extrêmes du rire et des larmes. Le clan des Semi-Croustillants est parfaitement abscons et ses dirigeants "en dehors des réalités", mais ç'en est à un stade même plus quantifiable. Ce n'est plus drôle par rapport à une norme, c'est drôle parce qu'ils se créent leur propre norme, en autonomie totale, en roue libre dans le non-sens.

De l'autre côté, la caractéristique essentielle du livre V, c'est la tragédie. Une sorte de réflexion sous-jacente sur le monde et les choses, qui parvient en définitive à la conclusion que tout est fouaré, qu'il n'y a plus rien à en tirer. Tragédie parce que les personnages sont poussés à bout ; pourtant tout le film n'est pas noir, c'est même plutôt coloré, visuellement parlant. Il y a juste cette légère amerture en fond. Un des plus beaux moments du film, paradoxalement, est un des plus plats, des plus ternes au niveau de la réalisation ; quand Arthur retourne la soi-disant couronne qui passe de main en main depuis le début. Il est le seul à y voir ce qu'elle est vraiment : une jatte, un plat sur pied, ce que je me tuais à dire depuis le début. C'est à la fois le moyen de montrer la supériorité d'Arthur, mais aussi de souligner son isolement, sa tristesse ; il ne peut pas y voir comme les autres un symbole de pouvoir, parce que le pouvoir ne l'intéresse pas.

Mais bon, ya aussi des joyeusetés, faut pas croire comme ça, c'est seulement que la fin m'a retournée, à partir du passage du théâtre... L'écriture jubilatoire d'Astier est encore et toujours au rendez-vous. Les jeux de mots sont parfaits et les situations grotesques abondent. Loth qui fait des ronds de jambe pour tater le terrain et voir si sa femme ne serait pas contre l'idée qu'il change de banquette dans la cariole est mythique.

Pour finir, revenons au début, puisque toute cette critique nocturne remontait le fil chronologique du film. Toute la première partie était à la fois connue et dépaysante. La table ronde désorganisée -- de l'absence de roi, on passe à trop de rois --, Kaamelott squatté par un jurisconsulte chieur (Clavier dans le rôle de l'inscruste emmerdeur), les paysans, sous un jour nouveau, dignes des Deschiens. Les champs. Venec. Les tours de guet qui servent enfin à quelque chose. Un couard qui manque de tuer Lancelot. De la vraie magie. Des tentatives d'assassinat. My.

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