A very musical week indeed
La semaine dernière, j’étais à Strasbourg, chez des
amies, à l’occasion de la venue de Bob Dylan, le grand, au Zenith. Hier soir je
dansais en compagnie de quelques 300 personnes dans la salle miniature du Poste
à Galène de Marseille, devant Bonnie ‘Prince’ Billy et son groupe. Depuis le
5x20 de House j’écoute en boucle Meat Loaf.
Pour Dylan, je savais qu’il fallait m’attendre à quelque chose de grand et d’un
peu impersonnel. Et effectivement, ça l’était. Déjà, toutes les places étaient
numérotées, et donc assises. Même en bas, devant (là où j’étais, avec ma
Clara)... Bon, quand ça a commencé tout le monde s’est levé et ça a été une
espèce de mouvement de foule vers la scène. Mais quand même.
Ensuite, pas de première partie, pas d’écrans sur scène, quasiment pas de
communication avec le public. Un rappel et puis s’en va, on est limite frustré
sur la fin. Dylan est tout petit (tout vieux), totalement à droite de la scène,
le visage caché par un chapeau. Ceux de mes amis qui étaient dans les gradins
ont eu un moment de doute... est-ce lui, ou pas ? Que du synthé, une seule
chanson à la guitare. Un peu plus et il chantait en nous tournant le dos, le
bougre.
Le groupe était sympa, bien mais sans plus. Ils ne devaient pas avoir le droit
de bouger sur scène, sûrement. Deux guitares, une basse, batterie et un
multi-instrumentiste caché derrière...
Le concert en lui-même, bah... Je dois dire que je fais pâle figure en tant que
puriste, vu que je suis fan à mort des premiers albums (The Freewheelin’,
The Times They Are A-Changin’, Bringing It All Back Home), un peu des
albums électriques (Highway 61 Revisited) et j’avoue que je ne connais
même pas les autres. Bon, ben j’ai dû reconnaitre trois chansons en tout et
pour tout. Les plus connues étaient réorchestrées, le public ne pouvait même
pas chanter ; apparemment il nous a joué quelques chansons de son nouvel album.
Promo quoi.
C’était assez rock’n’roll, dans le sens mou du terme. Le folk, oublié, le
songwriter, inaudible. Limite on s’emmerdait par moments. En plus l’ambiance
dans la salle était pas méga folichonne, faut dire que la moyenne d’âge était
pas mal similaire à celle du vieux Bob.
Pendant toute la semaine, j’ai écouté la trilogie des Bat Out Of Hell de
Meat Loaf, dans le TGV, etc. Vous allez me dire, on s’en fout, c’est pas un
concert, mais c’est important pour saisir l’ambiance musicale dans laquelle je
me trouvais. Lui, je le connaissais de nom, j’ai mis deux jours à capter que
c’était “Robert Paulson” de Fight Club, mais je ne savais pas qu’il
chantait.
Je l’ai “découvert” grâce à une très grande amie d’internet, qui était
traumatisée après avoir vu le 5x20 de House, mais pas pour les mêmes
raisons que nous pauvres fans. Elle, c’était parce que le vieux qui fait une
crise cardiaque dans l’épisode, c’est Meat Loaf Aday. Tellement vieux que je
l’ai pas reconnu. Devant un tel élan de fangirlisme inattendu de la part d’une
amie avec qui je n’ai jamais été en désaccord sur quoi que ce soit jusqu’à
présent, j’ai décidé de me pencher sur la question.
Et j’aime. Bat Out Of Hell, le premier, date de 77, et c’est une espèce
d’opéra rock, du hard rock dans le sens 70’s du terme, une voix, comme on en
fait plus, des paroles plus qu’intéressantes, et une concision qui fait qu’on
ne peut que succomber. Après il y a eu BOoH II : Back In Hell, en 1993,
et BOoH III : The Monster Is Loose, 2006, moins concis, moins novateur,
mais toujours intéressant. C’est vrai, c’est puissant, c’est musical. Dylan, en
comparaison, ça faisait très exposition de musée. Joli, mais qu’on a pas le
droit de toucher.
Hier soir, après une journée de pluie, de grisaille et d’orage, même pas 24h
après être descendue du TGV, je suis allée au concert de Bonnie ‘Prince’ Billy,
au Poste à Galène, la plus petite des salles sympa sur Marseille. Bonne
acoustique, bonne ambiance ; c’était une petite salle bien pleine.
Le sieur Bonnie ‘Prince’ Billy, de son vrai nom Will Oldham, je l’ai découvert
en écoutant Johnny Cash, qui avait repris une de ses chansons sur un des American
Records ; I See A Darkness. Je connaissais surtout la part
folk/songwriter du bonhomme. Ce n’est que très récemment que j’ai découvert ses
multiples autres facettes.
Le concert a commencé tardivement, vers 21h30, première partie jolie mais assez
peu inspirée, un trio de nordiques qui planaient quelque peu. Les textes
étaient trop mièvres à mon goût, ça swinguait pas assez. Mais on n’insistera
jamais assez sur l’importance de la première partie dans un concert. Elle
chauffe la salle, on se met en train, on se concentre, les retardataires ont
tout loisir d’arriver vers 22h...
Will et son groupe se font attendre, arrivent, passent du temps à s’installer,
s’accorder. La scène miniature du Poste à Galène est vite investie : batteur
barbu, ventru, débonnaire, un contrebassiste, à gauche, derrière un tout jeune
choriste/guitariste, une jolie violoncelliste, elle aussi au micro, et sur la
droite, quasiment en retrait, Bonnie ‘Prince’ Billy. Quand il arrive il s’est
changé (oui, parce qu'il était dans la salle pendant la première partie),
chemise blanche, boutons nacrés, salopette de fermier texan. La moustache et
les rares cheveux en bataille complètent le personnage, qui se saisit d’une
guitare noire. On se croirait dans une grange, quelque part en Amérique ;
l’ambiance est toute de suite chaleureuse.
Lui non plus, je ne connaissais pas tous ses albums (il faut dire qu’il est
extrêmement prolifique), et lui aussi, il aime réorchestrer ses chansons sur
scène. Mais là c’était puissant, émouvant, intelligent ; ça prenait aux tripes.
Des chansons folk/pop, des chansons à la Arlo Guthrie, des chansons à la Neil
Young. Tantôt électrique, tantôt diaphane et aérien. Le groupe s’est chauffé et
au bout de trois quatre chansons c’était magique.
Ils ont joué près de deux heures : un rappel de circonstance, suivi de deux
autres, la dernière chanson précédée d’un humoristique “one last song and we
get the hell outta here”, de la part de Will Oldham. Et à la fin on était
heureux. D’une part parce que musicalement c’est à la fois profondément ancré
dans une tradition de musique américaine, mais aussi très novateur et
surprenant, parce que les textes sont magnifiques, mais surtout parce que ce
bonhomme à la dégaine tout sauf rock, accompagné de ce groupe qui semble de
prime abord hétéroclite, est grand. Il était possédé, quelque part, sur scène,
par l’esprit du rock, par ses textes, par le moment présent, juste pour le
plaisir de partager quelque chose avec son public.