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Nao-Asakura's world
17 avril 2007

Sunshine (bis : déclaration d'amour)

18750831

Peut-être qu'on peut mesurer la réussite d'un film au nombre de moments parfaits qu'il contient.

Tout à l'heure j'ai vécu un grand moment de cinéma, malgré toutes les invraisemblances, tous les temps morts, toutes les choses étranges qui déplaisent aux rabats joies. J'ai vu Sunshine de Danny Boyle et j'ai été soufflée. Si je ferme les yeux, il y a des images me reviennent, sans cesse. Cet homme est un grand.

Ce qui suit comporte, j'en ai peur, plus de spoiler que cela ne devrait. Autrement dit si vous comptez aller voir ce film, pour préserver tout le suspense, NE LISEZ PAS ce qui suit.


La star du film, c'est le Soleil -- l'élément inédit, à la fois scientifique, mystique, vital et mortel, en un mot fascinant. Le maître mot de ce film, c'est la fascination qui le sous-tend de part en part, la fascination qu'il crée forcément. C'est pourquoi le début ne s'embarrasse nullement avec des considérations mondiales et sociopolitiques à propos de l'effet qu'a sur terre ce soleil en passe de s'éteindre. On nous le dit, comme ça, pour pouvoir passer directement à la fascination ; ce soleil mourant apparaît des premières secondes comme quelque chose d'extrêmement puissant, dépassant peut-être la science et la physique.

Toute la première partie m'a cependant un peu déçue, parce que c'était un film de SF plutôt banal -- un équipage dans l'espace, une mission pour sauver le monde... De belles images, certes (la serre à oxygène et son vert limpide, presque bleu, et directement après le plan dans la salle observation, face au soleil, derrière un filtre), et rien de nouveau, rien de marquant, rien de parfait.

À part peut-être les yeux de Cillian Murphy, des yeux paranormaux, des yeux d'un bleu extraordinaire. Cillian Murphy, alias le physicien Capa, est un peu effacé, au début, on ne sait pas vraiment qu'il fait, ce qu'il pense. Un peu à l'image du début du film, assez lent, contemplatif, distillant des éléments pour la suite mais nous refusant les détails qui auraient rendu toute l'affaire plus réelle.

Et puis, et puis... le film bascule, progressivement, du film flou au thriller spatial (si ça existe). Un nouveau rythme s'installe, avec les premiers éléments perturbateurs, qui tardaient seulement à venir apparemment... La folie, les obsessions qui sous-tendent tous les personnages commencent à se révéler, avec la mort du commandant ( Hiroyuki Sanada, super acteur), qui se sacrifie certes pour sauver la mission, mais finit surtout dans une gerbe incandescente (pas de feu dans l'espace ? je crois qu'on est au-delà de ces détails à ce moment), se suicidant quasiment, face au soleil, le psychiatre hurlant dans ses écouteurs pour lui faire dire ce qu'il voyait.

Ce que j'aime dans les films, des séries, etc, c'est quand la situation de base, confortable, rassurante, est subitement détruite, donnant à chaque chose une nouvelle dimension, une nouvelle couleur, mais sans forcément obliger les personnages à courir partout ni les objets à exploser autour d'eux. L'angoisse de l'inconnu dans le connu, de l'imprévisible dans le scénario établi.

Modification de la hiérarchie avec la mort du commandant, et donc des rapports de force entre ces individus confinés ; modification de la morale aussi : la destruction de la serre par un incendie monstrueux amène certains à penser que "suicider" trois d'entre eux serait un bon moyen pour conserver assez d'oxygène pour le retour. Car à ce moment-là ils pensent encore tous au retour.

Et puis, à partir de là, j'ai été obligée de mettre ma main devant ma bouche, pour pas gueuler comme je l'aurais fait dans ma chambre (je couine devant la TV), et ce jusqu'à l'ultime seconde du film.

Quatre membres d'Icarus II explorent Icarus I, en cherchant les raisons de l'échec de la précédente mission. J'échafaude en quelques minutes hypothèses et théories à base d'extraterrestres et de forces étranges, de folie meurtrière, d'intelligence artificielle sous forme de virus informatiques et puis... En se rend compte -- on croit se rendre compte -- que c'est la folie, la fascination pour l'astre brûlant, qui les a tous consumés (voilà que je me fais lyrique, c'est inquiétant) ; un message du commandant du vaisseau, le visage affreusement brûlé, des yeux fous, se met en route, délivrant un espèce de délire pseudo biblique ("nous sommes poussière d'étoile"), et ils découvrent l'équipage, réduit à l'état momies de cendres, dans la salle d'observation.

Je me dis oh my, oh my, oh my (intérieurement). Bon, toujours pas d'extraterrestre, mais l'angoisse monte. Retour dans la station, une combinaison pour quatre, un sas à activer manuellement et 20 mètres dans l'espace à franchir -- la situation troublée devient catastrophique. Mais Danny Boyle, faisant quand même une place pour l'action, le spectaculaires et les effets spéciaux (le commandant en second gèle et explose dans l'espace quand même), privilégie le facteur humain et les symboles, il fait inéluctablement avancer son histoire, droit vers la tragédie. Le psy obsédé par le soleil peut enfin admirer celui-ci sans filtre d'aucune sorte -- et meurt, heureux, soulagé ? -- la couardise du commandant en second éclate en plein, et les yeux de Cillian Murphy alias Capa brillent d'une lueur nouvelle. Capa est le symbole de la mission, le seul qui peut la mener à bien, celui qu'il faut protéger.

Après ses frayeurs très alienesques dans le vaisseau endommagé, l'angoisse retombe un peu, mais pas la tension : pour avoir assez d'oxygène les rescapés se demandent s'il ne serait pas judicieux de tuer l'ingénieur qui a pété les plombs depuis que son oubli de calcul a causé la mort de leur commandant. Ils pensent que c'est lui qui a déconnecté le sas (et j'avais dit que je raconterai pas tous les détails...crotteuh). La jeune je ne sais même pas quoi est à son tour confronté à ses peurs : mettre en balance la vie d'un homme et celle de l'humanité. C'est noir, c'est bien Danny Boylesque... et ...

Là, c'est beau.
Bouche ouverte, avec toujours mes mains par-dessus, j'oublie de respirer une quinzaine de minutes.
Quand Capa découvre par ordinateur parlant interposé que les capteurs détectent 5 signes de vie au lieu de 4. Un intrus catalogué comme "inconnu". My god, je me dis, enfin mon extraterrestre ! Eh bien...
Une description circonstanciée s'impose. Capa se précipite dans la salle d'observation -- celle avec les filtres pour regarder le soleil -- là où l'ordinateur lui a dit que se trouvait le signe de vie inconnu. Et à partir de ce moment le "shine" qu'il manquait au "sun" apparaît, et ce n'est plus seulement un film sur le soleil, mais un film solaire.

Capa entre et dans la lumière aveuglante des filtres réduits au minimum, dans le flamboiement insoutenable se trouve une forme humaine. Le temps, la raison glissent, dérapent et pendant une seconde on se demande (on c'est moi, c'est le spectateur à côté, c'est Capa lui-même) si c'est une forme de vie extraterrestre, un être venu du soleil, une flamme qui a pris forme humaine...
La caméra nous trompe, le soleil nous fait croire à l'irrationnel et on veut crier en même temps que Capa : "mais qui êtes-vous ?" Et la créature dit, mais c'est confus, "tu es un ange, toi", et c'est vrai, oui, que Capa a les yeux d'un ange, et la mission qui porte sur ses (frêles) épaules est celle d'un sauveur de l'humanité. L'Antéchrist matérialisé dans la salle d'observation ? Danny Boyle n'est pas un mystique, ce n'est qu'une allusion, la vérité est autrement plus réaliste : la forme faite de lumière se retourne, amas de chairs sanguinolentes et on reconnaît subitement le commandant de Icarus I, qui est passé à bord de votre vaisseau, sabotant le sas, au moment où il attaque Capa avec un scalpel. My God.

Course-poursuite, tentatives héroïques et désespérées pour sauver une mission qui part sérieusement à vau-l'eau, combat épique face à un homme qui a passé 7 ans seul et brûlé, obsédé par l'idée que de simples mortels ne peuvent se mettre en travers des plans du divin.

Et quelques dernières images au-delà de tout ce que l'on peut juger, cinématographiquement parlant. Des moments parfaits, où, là encore, j'arrête de respirer.
Quand dans la serre calcinée, brûlé entièrement, la botaniste japonaise trouve un bébé plante qui a survécu, petite bouture verte au milieu de l'obscurité du vaisseau à la dérive, ignorante de tout ce qui se passe. La botaniste meurt, poignardée par le commandant, mais une dernière image la montre très brièvement, plus tard, paisible, assise en tailleur et la plante entre ses doigts.
Quand Capa tente le tout pour le tout afin de mener à bien sa mission et qu'il pénètre dans le coeur de la bombe larguée droit vers le Soleil. Là, j'ai légèrement cafouillé, prise que j'étais dans le côté mystique de l'impossibilité de concevoir une fin tragique, sans voyage de retour, sans survivants. Je me suis imaginé des choses invraisemblables, comme une dilatation temporelle -- l'explosion dans le soleil pour y générer un nouveau soleil peut altérer ces choses-là : l'espace, temps.

Mais non, la mission de Capa est christique, le sacrifice nécessaire.
La dernière image que je retiendrai en tant que moment parfait, c'est celle du face-à-face entre Capa et le soleil qui se crée, le moment où le temps s'arrête et où ses magnifiques yeux sont soudain dévorés par les flammes, emplis de feu. Et on sait qu'il est heureux.
Et j'ai envie de hurler, juste derrière mes mains.

Juste magnifique.


Note : Il y a moins d'humour, dans ce film-là, par rapport à tous les autres de Boyle, mais tout de même quelques détails qui m'ont fait rire, comme par exemple Chris Evans, la Torche dans les Quatre Fantastiques, qui meurt congelé dans une expédition vers le soleil... et des remarques du genre : "Icarus va brûler !" ... ah ah...

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